518 jours depuis notre premier confinement. 592 jours depuis que nous avons vu nos Nains pour la dernière fois. Alors évidemment, il y a des jours où mon monde ne tourne pas rond. Même pas ovale ! Mais nous avons toutes/tous des méthodes différentes pour faire face au stress du confinement, de la séparation, de l’incertitude du futur. Pour ma part, je couds (beaucoup, trop peut-être), je cuisine (mes hanches en sont témoins), je lis, je tricote et je regarde des tas de trucs débiles à la télé. Mais surtout, surtout, je marche. Je fais l’effort de sortir de chez moi pour aller prendre l’air. Et comme nos cafés et restaurants sont toujours fermés, le seul moyen de voir les copines et de papoter, ce sont nos promenades. En plein air, masque obligé. Pas facile de respirer par 34 degrés mais si c’est la seule solution…
Lors de ma dernière expédition, je suis allée retrouvée une amie qui voulait me faire découvrir la face cachée de mon ancien quartier. Passe me chercher me dit-elle et je te montrerai où te garer. Je la retrouve à 8 heures pile devant son immeuble et elle me dit de me garer dans une petite rue adjacente. Je pâlis ! Cela fait une éternité que je ne me suis pas garée le long du trottoir entre deux voitures et je crains de me ridiculiser. Mais je n’ai pas le choix !
Les Dieux de la manœuvre ont dû être avec moi ce matin là car je m’aligne de façon impeccable sans même accrocher la voiture garée devant moi. Ouf, c’est heureux. Toute fière de moi et rougissante sous les compliments de ma copine qui, elle vient seulement de passer son permis de conduire malaisien, je sors de ma chariote prête à aller marcher. Mais que vois-je arriver vers moi, comme une furie ? Une petite dame avec un balai qui gesticule en s’adressant à nous. Que nous veut-elle ?
Allez vous garer ailleurs nous sort-elle ! Je balaye les feuilles. J’ai cru à une plaisanterie. Je la regarde avec des yeux ronds et elle continue à s’énerver toute seule. Et puis je me dis que peut-être ma copine s’est trompée et nous n’avons pas le droit de nous garer à cet endroit là. Mais non, que nenni, je suis dans mon droit.
Et la voilà qui folle furieuse me répète de ne pas me garer sur cette place car elle est en train de balayer les feuilles mortes qui sont tombées sur l’emplacement exact où je me suis garée et que cela va la gêner pour continuer. J’avoue qu’à ce moment, j’ai craqué et oublié toute décence. Je baisse mon masque parce que c’est tellement plus pratique pour crier quand on peut respirer à pleins poumons et je lui rétorque que si elle a un problème, elle devrait aller balayer ailleurs le temps que nous marchions. Elle pourra revenir dans une heure.
Mais non, la furie s’échauffe et s’asphyxie dans son masque, me signale qu’elle me connaît, que ce n’est pas mon quartier et que je dois aller me garer plus loin, sur une place qu’elle a déjà nettoyée. Je vous avoue que la perspective de remonter en voiture pour recommencer ma manœuvre un peu plus loin et, comme je me connais, mouliner pendant des heures pour refaire un créneau comme une pro m’a fait perdre mon calme. Parce que visiblement avec la chance que j’ai, je me serais ridiculisée. Il valait mieux rester sur une première victoire.
Comment pouvez-vous prétendre que vous me connaissez si je n’habite pas dans le quartier ? Face à mon impeccable logique, l’énergumène devient coite. Ah, je t’ai eu sale bête ! Visiblement cette femme avait dû se lever du pied gauche ce matin là et avait décidé qu’il était de son devoir de faire ch… le reste de la population. Et c’est tombé sur moi ! C’est bien ma chance.
Lorsqu’elle nous voit nous éloigner, la voilà qui reprend un second souffle et gesticule de plus belle ! Et c’est à ce moment là où nous en avons conclu que le confinement avait dû l’affecter plus que nous ! Pauvre femme. En être rendue à balayer les feuilles dans la rue pour trouver un échappatoire à sa morosité quotidienne, il fallait avoir atteint le bout du bout.
Nous l’avons laissée à son nettoyage de rue et je me suis demandée pendant toute notre promenade si par dépit, elle n’allait pas me rayer ma carrosserie.
À notre retour, non seulement ma chariote était dans un état impeccable (disons qu’elle n’avait pas plus de rayures que celles que je lui avait déjà infligées) mais ma place de parking était toute propre ! Même sous ma chariote ! Comment s’était-elle débrouillée ? Serait-elle contorsionniste ? Ben pour le coup, la prochaine fois, je viendrais me garer au même endroit, à la même heure, juste pour l’espionner. Je pourrais apprendre quelque chose et en même temps m’entrainer à faire des créneaux toute la journée !
Pour la petite histoire, nous avons rencontré, plus tard, à quelques rues de là, le vrai balayeur. Et lui, cela ne l’a absolument pas gêné que nous marchions sur ses feuilles mortes ! Il était zen et tout sourire.
Et en parlant de zénitude, en voici un qui a su trouver la sienne ! Je rencontre de plus en plus de sans abris lors de mes promenades. Des gens qui ont perdu leur emploi pendant ces temps de crise et vivent dans la rue, sur des ponts, dans des abris de bus.

Cet homme était endormi sur une glissière de sécurité, en plein milieu du trafic. Pourvu qu’il ne tombe pas ! Par contre, je pense qu’il s’en moque complètement des feuilles mortes, lui !
he be ! tes aventures feuillesques sont plaisantes !!! Belle journée
Au Japon,nous avons rencontré une femme qui traquait la moindre feuille tombée par terre et dieu sait qu’il y avait de quoi faire.
Ton histoire me rappelle une petite dame rencontrée à Palerme. Elle aussi balayait le trottoir devant chez elle et repoussait le tout... chez les voisins ! Les temps sont difficiles, chienne de vie.